Ne forcez pas vos petites filles à faire des câlins ou bisous à leurs proches

«Fais un bisou à Papa, il t’a acheté un beau cadeau!», «Dis au revoir à Mamie, fais-lui un gros câlin». Rares sont les parents qui n’ont jamais insisté pour que leur petite fille ou leur petit garçon se montre affectueux avec un proche.

Alors que les fêtes de Noël –et leurs fameuses réunions de famille– approchent à grands pas, il est temps de prendre une bonne résolution: arrêtez de forcer vos bout de choux à embrasser ou câliner leur papa, tata, papi, ou qui que ce soit d’autre.

«Elle ne doit de câlin à personne»

«Dire à votre enfant qu’elle doit un câlin à quelqu’un juste parce qu’elle n’a pas vu cette personne depuis longtemps ou parce que cette personne lui a offert un cadeau peut lui faire intégrer l’idée qu’elle devra de l’affection physique, plus tard dans sa vie, à quiconque l’invitera à dîner ou fera quelque chose de supposément gentil.»

Avec ces mots, l’association Girl Scouts USA a déchaîné les passions outre-Atlantique. L’article en question, intitulé «Reminder: She Doesn’t Owe Anyone a Hug. Not Even at the Holidays» («Rappel: Elle ne doit de câlin à personne. Pas même pendant les fêtes») et qui s’intéresse au cas des petites filles, a été partagé près de 7.500 fois sur Facebook depuis sa publication le 3 novembre dernier, et a engendré des centaines de commentaires tantôt outrés, tantôt approbateurs.

«J’étais soulagée que mes parents ne me forcent pas à m’engager dans un geste affectueux non-désiré. Je me souviens que ma mère me défendait face à ceux qui institaient pour un câlin/bisou: “Elle préfère serrer la main ou faire coucou. Ce n’est pas un problème, elle a le droit de choisir”», confie une internaute.

«Je suis choquée de voir tous ces commentaires exprimant leur désaccord avec l’article. Si un adulte s’indigne sérieusement du fait qu’un ENFANT ne soit pas à l’aise avec l’idée de faire un câlin, c’est eux qui doivent mûrir. Bien sûr, nous souhaiterions tous que notre enfant soit aimant et doux. Mais pas qu’il fasse quelque chose qui le dérange juste parce qu’un adulte le lui demande», assure une autre.

Un enjeu dès l’enfance

À l’ère de #BalanceTonPorc et de #MeToo –où les dénonciations d’agressions sexuelles sont chaque jour plus nombreuses–, il est nécessaire de préciser les contours de la notion de consentement, qui reste assez floue dans l’imaginaire collectif.

Cette dernière est considérée, à tort, comme une problématique d’adultes. Ou du moins de personnes en âge de mener une vie sexuelle. En réalité, l’idée du consentement germe dans les têtes des petites filles de manière inconsciente dès leur plus jeune âge.

L’enfance est une période cruciale de développement intellectuel: les schémas qui y sont intégrés auront un impact indéniable sur les comportements de l’adulte en construction. Il convient ainsi de veiller à ce que votre fille ne se forge pas une idée erronée du consentement et de l’affection physique en général.

La psychologue américaine Andrea Bastiani Archibald explique:

«La façon dont on apprend –ou non– aux petites filles à instaurer des barrières physiques et à voir leur volonté respectée –ou non– restera gravée en elle toute sa vie et peut influencer la façon dont elle percevra son corps à l’âge adulte. Lui apprendre la notion de consentement tôt l’aidera à connaître ses droits, savoir quand certaines limites sont franchies, et quand tirer la sonnette d’alarme.»

Très fréquemment, des enfants en bas-âge se voient prier de «faire un bisou» en l’échange d’une récompense: «Tu veux un chocolat? Fais bisou à Papa.» Quel message envoie-t-on, indirectement, lorsque l’on explique à une petite fille qu’elle doit avoir recours à une démonstration d’affection physique pour obtenir une gratification? Inversement, que lui apprend-on lorsqu’on lui explique qu’elle se doit de remercier physiquement quelqu’un qui lui a fait un cadeau ou rendu un service?

Bien sûr, l’idée n’est pas de diaboliser les parents qui demandent à leurs enfants de faire des bisous à leur grand-mère. Ou à eux-mêmes, chose que font probablement toutes les parents. Bien souvent, la requête se veut pédagogique et entend apprendre aux petits à exprimer leur gratitude ou à se montrer tendres. Mais toutes les femmes ont le souvenir désagréable d’avoir été contraintes d’embrasser un vieil oncle ou une vielle tante à contre-cœur, sans oser braver cette injonction. Elles l’ont alors fait, par obéissance ou par peur de peiner la personne à qui elles refuseraient ce geste.

Spontanéité et affection verbale

Les enfants sont, dans l’ensemble, bien plus démonstratifs que leurs aînés. Il est donc fort probable qu’ils initient eux-mêmes spontanément les démonstrations d’affection et aient recours à de la communication physique. Si ce n’est pas le cas, c’est qu’ils ne le veulent pas. Que cela relève de leur timidité, du fait qu’ils n’aiment pas le proche concerné ou qu’ils ne soient pas fans des câlins, l’idée est la même: il ne vaut mieux pas insister s’ils se montrent réticents.

Par ailleurs, l’affection passe aussi par la communication verbale, qui permet elle aussi de consolider les liens familiaux. «C’est […] le fait que le bisou forcé est totalement entré dans nos habitudes familiales qui représente un problème», résume parfaitement Nadia Daam dans un article intitulé «Les enfants ne sont pas des distributeurs de bisous»:

«L’idée selon laquelle le bisou [ou le câlin] est la seule marque d’affection valable et que l’enfant doit donc s’y plier est tellement entré dans les mœurs que personne, ou presque, n’avait jusqu’ici songé à remettre cette pratique en question

Source : Slate.fr

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