Inflation : «La viande et le poisson sont devenus des produits de luxe»
Au Carrefour de Montesson (Yvelines), les consommateurs ressentent l’augmentation des prix quand ils remplissent leur chariot. Reportage.
Fini les lourds chariots qui débordent. « Les gens ont moins d’argent, ils fonctionnent en flux tendu », décrypte Alban, en poussant le sien où deux malheureux sacs peinent à occuper dignement l’espace. Et pourtant, nous sommes ici dans un temple de la consommation : le Carrefour de Montesson (Yvelines), navire amiral du groupe en Île-de-France. Plus de 18 000 m² de surface commerciale, un chiffre d’affaires annuel supérieur à 200 millions d’euros.
Affiches colorées, offres spéciales, stands éphémères, tout est fait pour attirer le chaland. Oui mais… Les prix ont pris de l’embonpoint. En juillet, selon l’Insee, le rythme de l’inflation s’est accéléré. Résultat : 2,3 % sur un an. « Seulement ?, s’étrangle Geneviève, une retraitée bon chic bon genre, permanente impeccable. Ça doit être comme les températures alors, il y a l’inflation réelle, et l’inflation ressentie. Parce que j’ai l’impression qu’à ce rythme, je ne vais plus pouvoir m’offrir que des conserves de petits pois… »
Jean-Marc et Annick freinent désormais sur leurs vacances. /LP/Benoit Durand
Derrière elle, des vacanciers tout juste rentrés chez eux sont venus remplir le frigo. Guillerets, Annick, 55 ans, et Jean-Marc, 61 ans, repartent avec des provisions et un barbecue flambant neuf, bien décidés à poursuivre les grillades estivales.
Mais lorsqu’ils jettent un œil plus attentif à leur facturette, c’est pour faire la grimace : « Doucement mais sûrement, notre pouvoir d’achat est grignoté. Nous ne rognons pas sur l’alimentaire, mais nous avons d’ores et déjà adapté nos vacances ». La formule ? Moins loin, moins longtemps. « Avant, on louait 15 jours. Maintenant, juste une semaine », expliquent-ils. Cet été c’était au Tréport, en Normandie.
Virginie, 37 ans, et Laurent, 40 ans, habitent Sartrouville (Yvelines). Sur leur chariot, Gemma, 5 ans, et George, 18 mois, agitent des ballons. Avec leurs mines bronzées, ils reviennent de congés au mont Ventoux (Vaucluse). « Les produits courants coûtent de plus en plus cher », soupire le père de famille.
« On vit correctement jusqu’au 20 du mois »
Laurent, directeur d’un magasin de surgelés Picard, parle en connaissance de cause. « Les quatre pavés de saumon frais étaient vendus 14,95 euros il y a cinq ans, se souvient-il. Désormais, ils clignotent à 19,95 euros. Le poisson et la viande sont devenus des produits de luxe. Une belle entrecôte, chez le boucher, c’est 15-20 euros. Vous invitez trois-quatre copains, et vous montez vite à une petite centaine d’euros. »
La famille de Virginie, Laurent et leurs deux enfants, à côté de leur chariot à 160 euros./LP/Benoit Durand
La famille sort de l’hyper avec un chariot à 160 euros. Dans les trois sacs qu’il contient, « pas de poisson, pas de viande, pas d’alcool, juste des basiques, des laitages, du jambon, un pyjama pour Gemma, des affaires pour la rentrée », énumère Virginie, responsable administration des ventes dans une entreprise.
En chœur, ils concluent : « On vit correctement jusqu’au 20 du mois. 400-500 euros de plus, ça serait l’idéal, mais depuis 10 ans, nos salaires n’ont pas augmenté. » Laurent sait qu’il n’est pas le plus à plaindre. Sa mère, elle, « prend de plein fouet la hausse des prix », car « la hausse de la CSG a rogné sa retraite ».
« 10 euros en plus par plein »
L’inflation se ressent aussi à la pompe. /LP/Benoit Durand
À la station-service Carrefour, à l’autre bout du parking, les automobilistes font le plein en serrant les dents. L’œil vissé sur la pompe où les litres de carburant défilent, pendant que l’addition grimpe. Les prix de l’énergie, « en hausse pour le quatrième mois consécutif », ont bondi de 14,3 % sur un an, indique l’Insee.
« J’essaie de m’adapter, glisse Olivier, la cinquantaine. Par exemple, je ne mets plus jamais une goutte d’essence sur l’autoroute, les prix sont trop matraqués. » Jean-Pierre a fait son calcul. « La hausse des prix de l’essence me coûte près de 10 euros en plus par plein. À la fin de l’année, ça fait beaucoup ! » fulmine-t-il. Double peine, ce « gros rouleur » est aussi « un gros fumeur ». Et de grogner : « L’inflation énergie-tabac, c’est vraiment pour ma pomme ! »
Source : Le Parisien.fr