La loi Macron supprime des jours fériés chrétiens, l’Église réagit en ordre dispersé
L’Assemblée Nationale a adopté un amendement de la députée de la Réunion Ericka Bareigts, dans la loi Macron. Les départements d’Outre-mer devraient pouvoir célébrer des fêtes musulmanes ou hindoues en échange de jours fériés chrétiens. Les évêques réagissent de manières diverses.
Alors qu’en métropole, le débat sur la laïcité bat son plein, la mesure avait tout pour faire bondir. L’Eglise catholique, première concernée, semble pourtant accueillir l’idée sereinement. Samedi 14 février au soir, les députés ont adopté un amendement permettant aux départements d’Outre-mer (définis par l’article 73 de la Constitution) de modifier le calendrier des jours fériés, afin que les différentes communautés religieuses puissent avoir un jour de congé qui corresponde à une de leurs fêtes. L’amendement, porté par Ericka Bareights, députée SRC de la Réunion, et signé par cinq autres députés de la Réunion, de Mayotte et de la Guadeloupe, était examiné dans le volet de la loi Macron… sur l’activité économique. Il est passé comme une lettre à la poste.
Concrètement, il s’agit de supprimer des jours fériés d’origine chrétienne pour faire place à des jours fériés musulmans, hindous, etc. L’amendement listait initialement les jours fériés chrétiens susceptibles de se prêter à la « substitution » : le lundi de Pâques, le lundi de Pentecôte, l’Ascension, l’Assomption et la Toussaint. Le texte voté se contente de désigner les jours « inamovibles », qui correspondent aux grandes fêtes nationales : le 1er et le 8 mai, le 14 juillet et le 11 novembre. Si l’amendement est promulgué (et qu’il n’est pas retoqué par le Conseil Constitutionnel), ce sera au préfet de chaque département d’outre-mer de décider un changement de calendrier, en lien avec les acteurs locaux.
Sur ce sujet sensible, objet de débats récurrents, l’Eglise catholique semble vouloir jouer l’apaisement. La Conférence des Evêques de France n’a pas souhaité réagir à nos demandes (mais a réagi depuis dans d’autres médias, voir l’addendum à la fin de cet article, ndlr). Elle laisse la parole aux évêques d’Outre-mer. Dont Gilbert Aubry, évêque de la Réunion, qui soutient pleinement l’initiative. Iet qui la soutient d’autant plus sereinement qu’il est membre du groupe de dialogue interreligieux à l’origine du projet. Mgr Aubry se dit prêt à renoncer au lundi de pentecôte et au lundi de Pâques, qui, selon lui, « ne sont pas des fêtes religieuses ».
« Il est important qu’il y ait une révision du calendrier des jours fériés pour permettre aux hindous et aux musulmans d’avoir une journée de fête qui serait partagée par toute la population, argumente-il. Cela renforcerait le vivre ensemble réunionnais qui est très développé et qui a besoin d’être concrétisé. »
Même son de cloche en Guyane, où Mgr Emmanuel Lafont, évêque de Cayenne – qui n’était pas au courant du projet –, se dit favorable au partage des jours fériés chrétiens avec d’autres religions. « Le dialogue interreligieux est plus que nécessaire. Que l’on fasse de la place à nos frères et sœurs, cela va dans le sens de l’Evangile. » Sur cette question, il fustige le « dogmatisme » en France métropolitaine. « J’ai la chance de vivre dans un milieu différent, où ce dogmatisme français nous apparait ahurissant. On se bat pour rien, alors qu’il est possible de vivre ensemble, dans l’acceptation de chacun avec ses différences. »
Il rappelle enfin qu’il existe déjà des jours fériés propres aux DOM, comme le 10 juin en Guyane, où l’on commémore l’abolition de l’esclavage.
Récemment arrivé à Blois, Jean-Pierre Batut ne s’opposerait pas à des modifications du calendrier des jours fériés en France métropolitaine. « Je pense qu’il ne faut pas remplacer une fête chrétienne par un jour férié d’une autre religion, mais en ce qui concerne le lundi de Pâques et de Pentecôte, on peut considérer qu’ils sont disponibles pour être donnés à d’autres religions », suggère-il. « Le calendrier des jours fériés n’est pas une institution divine ! » En revanche, il se dit inquiet par l’extension du travail le dimanche, qui figure aussi dans la loi Macron. «
C’est le triomphe d’une conception laïciste, mercantile et matérialiste de la vie sociale » et « toute la dimension spirituelle de l’homme est évacuée », regrette-il. Au contraire, « si on introduit d’autres fêtes religieuses dans le calendrier des jours fériés, on consacre la dimension spirituelle de l’homme, en reconnaissant que cette dimension religieuse transcende l’appartenance chrétienne. »
Addendum
Alors que malgré nos demandes nous n’avions pas obtenu de réaction officielle de la part la conférence des évêques de France, Mgr Olivier Ribadeau-Dumas a réagit contre ce qu’il considère être « une attaque forte contre la religion catholique ». « Nous n’avons pas intérêt à ouvrir cette ligne de front qui pourrait être une boîte de Pandore. Il est illusoire en effet de penser que cela resterait cantonné à l’Outre-mer », a-t-il indiqué à l’AFP cité par La Croix. « C’est une mauvaise interprétation de la laïcité » a-il-plaidé, disant n’avoir « entendu ni le Consistoire ni le conseil français du culte musulman demander quoi que ce soit ».
Il a évoqué « une France marquée par la christianisme » et « une histoire qui se vit paisiblement ». Il a aussi fait valoir que « Noël et Pâques ne sont pas fêtés que par les chrétiens : veut-on supprimer un socle commun à la société française ?». « On cherche par des biais divers à réduire la place des religieux, sans concertation », a-t-il déploré. Il y voit une « preuve de plus que nous n’arrivons pas en France à parler avec sérénité de laïcité ».