Des psychiatres demandent la destitution de Donald Trump

Un psychiatre américain convaincu du caractère clinique de la folie de Donald Trump invoque le 25e amendement de la Constitution qui prévoit la destitution d’un président « inapte à exercer ses fonctions ». Sa pétition a déjà recueilli près de 15 000 signatures.

Vous vous dites que ce type est fou, et vous n’êtes pas les seuls. Plusieurs psychiatres et psychologues sont en effet convaincus que Donald Trump ne devrait pas pouvoir exercer sa fonction.

Car le 45e Président des Etats-Unis d’Amérique serait atteint de « narcissisme malfaisant » ou malin (malignant narcissism), qui rendrait dangereux son maintien. Dans une pétition destinée aux professionnels de santé mentale et lancée par le Dr John D. Gartner, professeur de psychiatrie à l’université John Hopkins, ils sont ainsi nombreux à souhaiter que l’article 3 du 25e amendement soit invoqué. Celui-ci prévoit le remplacement du président par le vice-président en cas d’incapacité à exercer les pouvoirs et remplir les devoirs de sa charge. Les motifs de cette incapacité ne sont pas précisés.

Près de 15 000 signatures

Or John Gartner en est convaincu, Donald Trump « est dangereusement atteint de maladie mentale et psychologiquement inapte à exercer ses fonctions de président ». A l’heure où nous écrivons ces lignes, la pétition a recueilli près de 15 000 signatures. Problème : nombre de signataires semblent ne pas être des professionnels de santé mentale, ce qui fait bien sûr perdre de sa valeur à la démarche. Toutefois, interrogé par Sciences et Avenir, John D. Gartner assure qu’il a déjà envoyé un mail à la plupart de ces personnes pour qu’elles retirent leur signature et compte durcir les conditions de signature pour obtenir un document uniquement signé par des cliniciens ou chercheurs en psychologie ou psychiatrie. « Je suis sûr que la pétition peut atteindre à terme une centaine de milliers de signatures », espère-t-il. Le psychiatre insiste également : « Ce n’est pas une initiative partisane. Ce n’est pas juste un groupe de psychologues qui ne sont pas contents du résultat d’une élection. C’est une évaluation professionnelle qui est partagée par des milliers de mes confrères. »

Mais est-il réellement possible pour un psychiatre de poser un diagnostic fiable en dehors du cadre des consultations en face à face ? Et le narcissisme suffirait-il vraiment à disqualifier une personne d’accéder aux cercles du pouvoir ? « Si on devait destituer toutes les personnes au pouvoir présentant des troubles de la personnalité narcissique, il ne resterait plus grand monde pour gouverner, rappelle le Dr Guillaume Fond, psychiatre à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil. Que Donald Trump fasse n’importe quoi c’est une chose, de là à le destituer pour narcissisme, c’est plus compliqué. » On sait en effet que chez les hommes de pouvoir ou les grands chefs d’entreprise, la proportion de personnalités narcissiques est plus importante. « Mais a priori,Trump ne présente pas non plus une personnalité psychotique, avec perte de contact avec la réalité. Cela aurait fini par se voir si ça devait l’handicaper », suggère Guillaume Fond. Rappelons que Jacques Chirac ou Winston Churchill étaient traités au sel de lithium pour leurs troubles bipolaires.

« A force de créer peu à peu votre propre réalité, vous êtes prêt à tout pour combattre ceux que vous percevez comme des ennemis diaboliques »

Mais pour John Gartner, il ne s’agit pas là d’un narcissisme classique. « Guillaume Fond n’a pas tort, le narcissisme est très courant à ces niveaux de responsabilité. J’ai d’ailleurs écrit une biographie de Bill Clinton à partir de cet angle. Mais en réalité, chez Trump, ce narcissisme est le moins toxique des traits de sa personnalité.

Le syndrome dont on parle est autre chose. C’est comme pour le cancer : vous pouvez avoir une tumeur bénigne, c’est embêtant, mais pas mortel. En revanche, la tumeur maligne vous tuera. C’est pareil avec ce narcissisme malfaisant », précise-t-il. Car ce syndrome se caractérise par deux autres composantes : un trouble de la personnalité antisociale et un caractère paranoïaque. « Le comportement antisocial se retrouve chez les criminels et se caractérise par un mépris total pour les autres et leurs droits. Ce sont des personnes qui ignorent sciemment le fait qu’ils violent les droits d’autrui, qui mentent à répétition… Et on sait que Trump le fait beaucoup », poursuit le Dr Gartner. Il y a même une nouvelle expression pour ça : les « alternatives facts » qui ne sont rien moins que des mensonges.

Quant à la perte de contact avec la réalité qui caractérise les états psychotiques, elle est remplacée chez Trump par un intense sentiment de paranoïa : « Toute personne qui n’est pas d’accord avec lui est soupçonnée de complot. Et il croit en toute sorte de théories complètement folles. La façon dont il s’attaque aux sciences ou à la presse relève de la paranoïa. A force de créer peu à peu votre propre réalité, vous êtes prêt à tout pour combattre ceux que vous percevez comme des ennemis diaboliques. C’est précisément ce qu’a fait Hitler avec les juifs : partant du principe qu’ils étaient des ennemis diaboliques, la seule chose à faire, la solution la plus logique, c’était leur extermination. »

Un syndrome décrit pour Hitler

Exploiter les autres sans ressentir le moindre remord sur le mal qu’ils peuvent faire serait en effet caractéristique de ces personnalités dangereuses. « Le narcissisme malfaisant et ses trois composantes (narcissisme, antisocial et paranoïaque) c’est la façon dont la psychiatrie décrit une personnalité diabolique », résume John Gartner. Pour la petite histoire, ce syndrome a été décrit pour la première fois par Erich Fromm, psychanalyste juif-allemand ayant fui l’Allemagne hitlérienne, afin d’expliquer la psychologie d’Adolf Hitler. « On pourrait d’ailleurs surnommer ce trouble le syndrome d’Hitler », précise le psychiatre américain. A ce stade, on serait tenté de parler de point Godwin de la psychiatrie. Mais le Dr Gartner précise: « Je ne dis pas que Donald Trump est comparable à Hitler. Mais de façon manifeste, ils ont en commun des traits psychologiques qui devraient inquiéter. C’est mon évaluation professionnelle. » Précisons qu’il n’y a pas de consensus officiel en psychiatrie sur l’existence de ce syndrome de narcissisme malfaisant, même si celui-ci est décrit dans plusieurs ouvrages.

Une certitude, c’est que John D. Gartner et les signataires de la pétition ne sont pas les seuls à s’inquiéter très sérieusement de la santé mentale de Donald Trump et de sa capacité à gérer la première puissance mondiale. Fin 2016, trois professeurs de psychiatrie de renommé mondiale ont ainsi écrit au président Obama pour lui demander à ce que Donald Trump soit soumis à une expertise psychiatrique « poussée ». Judith Herman de l’université Harvard, Nanette Gartrell et Dee Mosbacher, de l’université de Californie exprimaient alors leur « grande inquiétude » face à « l’impulsivité, l’hypersensibilité à la critique et l’apparente incapacité à distinguer les fantasmes de la réalité » du nouveau président. Inquiétude partagée.

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